Quelles sont les obligations légales en portage salarial ?

SOMMAIRE

Le portage salarial est défini par le Code du travail (articles L1254-1 et suivants) comme une relation contractuelle tripartite entre un salarié porté, une entreprise de portage salarial et une entreprise cliente. Ce dispositif permet au salarié porté d’effectuer ses missions en toute autonomie tout en profitant du statut de salarié et d’une couverture sociale. Ce statut impose des règles légales claires que doivent respecter le salarié porté, la société de portage et l’entreprise cliente.


L’ESSENTIEL À RETENIR

  • Le portage salarial est encadré par un cadre juridique précis qui repose sur une relation tripartite entre le salarié porté, la société de portage et l’entreprise cliente.

  • Chaque acteur a des obligations légales distinctes : le salarié porté conserve une grande autonomie, la société de portage est l’employeur légal, et l’entreprise cliente a des responsabilités limitées mais bien définies.

  • Le respect du droit du travail est contrôlé par l’administration (inspection du travail, URSSAF), garantissant protection sociale et sécurité juridique aux intervenants.


 

 

deux ordinateurs collaborateurs feuille prise de note

Obligations légales du salarié porté

Le salarié porté est un professionnel indépendant qui choisit de déléguer la gestion administrative de son activité à une société de portage. Il bénéficie des droits d’un salarié classique (CDI ou CDD) tout en conservant une grande liberté dans l’organisation de son travail. Cette situation engendre des obligations légales bien précises, à la fois envers son employeur (société de portage salarial) et envers son client. Tout d’abord, le salarié porté doit pouvoir justifier de ses compétences. En effet, il doit justifier d’une qualification professionnelle de niveau 5 minimum (Bac+2) ou d’une expérience d’au moins 3 ans dans le même secteur d’activité. (voir Légifrance)

1- Obligations envers la société de portage salarial (son employeur)

Dans le portage salarial, la société de portage est l’employeur officiel du consultant. En contrepartie, le consultant est entièrement responsable de son activité commerciale : il trouve lui-même ses clients, définit les modalités de ses missions (prix, durée, nature de la prestation) et s’assure de leur bonne exécution. Le lien entre les deux parties est sécurisé par un contrat de travail (souvent un CDI) et une convention de portage.

 Le salarié porté doit :

A. Déclarer, négocier et réaliser ses missions

Avant  toute mission, le salarié porté doit transmettre à sa société de portage la convention de mission signée avec le client. Cette convention détaille les conditions de la mission (durée, objectifs, tarif  etc.).

B. Transmettre les informations nécessaires 

Le salarié porté doit fournir à la société de portage de manière régulière (généralement tous les mois) un compte rendu d’activité signé par le client. Ce document atteste du travail effectué et permettra à la société de portage d’établir une fiche de paie et de facturer le client.

C. Déclarer ses frais 

Si le salarié porté engage des frais professionnels (déplacements, hébergement, etc.) il doit les  déclarer avec justificatifs  (reçus, notes de frais) selon les modalités prévues par la société de portage

D. Avoir une obligation de loyauté

  • Exclusivité : le contrat peut inclure une clause qui oblige le salarié à passer uniquement par la société de portage pour toutes ses missions.
  • Non-concurrence : Une clause de non-concurrence peut  interdire de prospecter les clients de la société après la fin du contrat. Pour être valable, elle doit être limitée dans le temps et l’espace et indemnisée financièrement c’est-à-dire que le salarié reçoit une contrepartie financière pour la contrainte imposée.
  • Confidentialité : le salarié doit respecter la confidentialité des informations concernant le fonctionnement  de sa société de portage.

E. Obligation de coopération

Le salarié doit fournir tous les documents nécessaires (justificatifs d’identité, d’affiliation sociale, bancaires, informations professionnelles ainsi que les informations sur sa mission)  à sa société de portage. Il doit  lui signaler  rapidement tout problème rencontré  avec un client (retard de paiement, conflit sur la mission),  car la société de portage est son  interlocutrice légale pour régler le différend.

2- Obligations envers l’entreprise cliente

La relation avec le client est régie par la convention de mission. Le salarié a l’obligation de résultat ou de moyens c’est-à-dire qu’il doit mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour accomplir sa mission correctement selon ce qui est contractuellement convenu.

A. Exécution de la mission

Le salarié doit exécuter la mission conformément aux termes du contrat (délais, qualité, spécifications techniques). Il doit respecter les consignes de sécurité, les horaires et les règles internes de l’entreprise cliente, comme  un membre du personnel.

B. Confidentialité

Toutes les informations (commerciales, techniques, stratégiques) auxquelles le salarié a accès chez le client doivent rester confidentielles.

C. Non-concurrence envers le client

La convention de mission peut inclure une clause vous interdisant de travailler pour un concurrent direct du client pendant une certaine période.

3- Obligations fiscales et sociales

C’est sur ce point  que le statut de salarié porté diffère radicalement de celui d’indépendant.

Le principal avantage du portage est que c’est la société de portage qui assume l’essentiel des obligations administratives. Elle va :

  • Établir votre fiche de paie.
  • Payer les cotisations sociales (URSSAF, retraite, assurance chômage, etc.).
  • Éditer les factures pour le client.
  • S’acquitter de la TVA et de l’impôt sur les sociétés.

La seule obligation fiscale du salarié est de déclarer ses revenus  dans sa déclaration annuelle.

En bref, le salarié en portage salarial est tenu par trois obligations fondamentales :

  1. Une obligation de transparence: Il doit déclarer l’intégralité de son activité professionnelle à sa société de portage de manière exhaustive.
  2. Une obligation de loyauté: Il s’engage à respecter strictement les clauses de son contrat, notamment celles relatives à l’exclusivité et à la confidentialité des informations.
  3. Une obligation de coopération: Il est tenu de collaborer activement et en toute bonne foi avec sa société de portage pour assurer le bon déroulement administratif et juridique de sa mission.

Le respect de ces obligations est essentiel pour profiter pleinement des atouts du portage salarial (sécurité, simplicité administrative) tout en se prémunissant contre des risques juridiques et financiers majeurs.

En cas de non-respect des règles

Le non-respect des obligations dans un cadre de portage salarial entraîne des conséquences graves pour le consultant. Ces conséquences incluent des sanctions de la société de portage (avertissement, licenciement), la rupture de la mission par le client, et une responsabilité financière pour les préjudices causés.

Le risque le plus sérieux est fiscal et social : si l’URSSAF requalifie la relation en travail dissimulé, le consultant peut être reconnu comme salarié direct du client. Cette requalification entraîne des régularisations de cotisations, de lourdes pénalités financières et des impacts pour toutes les parties (consultant, client et société de portage).

Obligations légales de la société de portage salarial

 La société de portage assume le rôle d’employeur vis-à-vis du salarié porté et a des obligations strictes.

1- Obligations en tant qu’employeur 

  • A) Déclaration d’activité : Effectuer une déclaration préalable d’activité auprès de l’Urssaf avant l’arrivée du salarié et exercer son activité de manière exclusive.
  • B) Contrat de travail: Conclure avec le salarié porté un contrat de travail à durée déterminée (CDD) ou indéterminée (CDI), conformément aux dispositions du Code du travail.
  • C) Rémunération et Bulletin de paie : Verser un salaire fixe et continu, même entre deux missions (« intermission ») et fournir un bulletin de paie qui doit être conforme à la réglementation.
  • D) Paiement des cotisations sociales : Calculer et payer les cotisations sociales patronales et salariales.
  • E) Respect de la convention collective : Appliquer les dispositions de la convention collective du portage salarial, laquelle détermine les minima salariaux, les critères de classification (niveau, coefficient, échelon, catégorie), les règles d’attribution des congés, etc.
  • F) Respect du code du travail : Appliquer l’ensemble des dispositions du Code du travail : durée du travail, congés payés, droit à la formation professionnelle (contribution au Compte Personnel de Formation : CPF) médecine du travail, etc.
  • G) Facturation et gestion : Facturer la mission au client final. Une partie correspond au salaire et aux charges, l’autre aux frais de gestion de la société. La société doit s’assurer du paiement de la facture  par le client pour verser le salaire.
  • H) Compte d’activité : Mettre en place un compte d’activité pour chaque salarié porté, détaillant les facturations, les frais de gestion, les charges sociales et le salaire net.
  • I) Gestion de la « Période d’intermission » : Garantir le versement du salaire même entre deux missions, ce qui est une spécificité et une sécurité fondamentale du portage salarial.

2- Obligations légales et fiscales (vis-à-vis de l’État) 

  • A) Immatriculation: Etre inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS). Les associations sont exclues.
  • B) Agrément préfectoral : Obtenir un agrément délivré par la préfecture de son siège social. Cet agrément est obligatoire pour exercer l’activité du portage salarial et est conditionné au respect de plusieurs critères (garanties financières, honorabilité du dirigeant, etc.)
  • C) Garantie financière : Souscrire une garantie financière équivalente à au moins 10 % de sa masse salariale annuelle auprès d’un établissement bancaire ou d’une compagnie d’assurance. Cette garantie a pour but de protéger les salariés et pour assurer le paiement de leurs salaires et des charges sociales en cas de défaillance.
  • D) Déclaration fiscale : Etablir et déclarer ses résultats imposables (impôt sur les sociétés) et payer la TVA sur ses frais de gestion
  • E) Tenue d’une comptabilité saine : Tenir une comptabilité rigoureuse qui permet de distinguer clairement les fonds appartenant aux salariés (salaire et charges) des fonds propres de la société (frais de gestion)
  • F) Assurance : Souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle pour couvrir les risques liés à l’activité du salarié porté .

3- Obligations contractuelles et de transparence (vis-à-vis des Parties) 

  • A) Convention de portage: Etablir une convention de portage écrite pour chaque mission, signée par la société de portage, le salarié porté et le client. Ce document doit préciser la nature de la mission, sa durée, le tarif journalier etc.
  • B) Information du salarié porté: Informer le salarié porté par écrit de la répartition du chiffre d’affaires généré par sa mission.
  • C) Relevé détaillé: Délivrer un relevé de frais indiquant le montant facturé, les cotisations, les frais de gestion et le salaire net.

Synthèse : Les 5 obligations indispensables 

Pour résumer, une société de portage salarial légalement conforme doit impérativement :

  1. Avoir un agrément préfectoral en cours de validité.
  2. Embaucher ses salariés en CDI et leur verser un salaire même sans mission.
  3. Payer toutes les cotisations sociales (patronales et salariales).
  4. Établir une convention de portage tripartite pour chaque mission.
  5. Faire preuve de transparence totale sur la répartition du chiffre d’affaires.

Avant de choisir une société de portage, il est crucial de vérifier le respect de ces obligations, notamment la détention de l’agrément préfectoral et les conditions de versement du salaire en période d’intermission.

Une société de portage salarial qui ne respecte pas ses obligations légales encourt trois risques majeurs :

  • Requalification en « Prêt de Main-d’œuvre Illicite » : C’est le principal risque. Si la société agit comme un simple intermédiaire de paiement sans assumer son rôle d’employeur, les tribunaux peuvent requalifier le contrat. Le client est alors considéré comme le véritable employeur et doit payer les charges sociales correspondantes.
  • Sanctions Pénales et Administratives : Ces sanctions peuvent inclure le retrait de l’agrément, des amendes, et même une peine de prison pour le dirigeant en cas de travail dissimulé.
  • Responsabilité Civile : La société engage sa responsabilité envers le salarié ou le client en cas de manquement à ses obligations contractuelles.

Obligations légales de l’entreprise cliente

Dans cette relation tripartite, l’entreprise cliente a des obligations bien définies, distinctes de celles d’un employeur classique. L’entreprise cliente bénéficie des prestations du salarié porté sans établir de lien de subordination avec lui. Ses obligations sont :

1- Obligations contractuelles 

  1. Établir un contrat de mission clair et précis :Ce contrat, signé par l’entreprise cliente, le salarié porté et la société de portage, doit définir :
    • L’objet de la mission : Une description détaillée des tâches à accomplir.
    • La durée de la mission : Dates de début et de fin précises.
    • Le lieu d’exécution : Adresse où le salarié exercera sa mission.
    • Le tarif journalier ou horaire et le volume de travail prévu (nombre de jours/journées).
    • Les conditions de renouvellement ou de rupture de la mission.
  2. Respecter l’autonomie du salarié porté :La mission doit correspondre à une prestation de conseil ou d’expertise. Le salarié porté doit être autonome dans l’exécution de sa mission. L’entreprise cliente doit éviter tout lien de subordination (donner des ordres directs, contrôler les horaires de manière stricte, imposer des méthodes de travail).

2- Obligations financières

L’entreprise cliente ne paie pas le salarié directement. Elle reçoit une facture de la société de portage qui correspond au coût de la prestation (salaire, charges sociales, frais de gestion du portage, et éventuellement la TVA). Le paiement doit être effectué dans les délais convenus.

3- Obligations en matière de santé, sécurité et conditions de travail

  • A) Garantir au salarié porté des conditions de travail conformes à la législation en vigueur, notamment en matière de sécurité et de santé au travail.
  • B) Informer le salarié porté des risques spécifiques liés à son poste de travail et aux consignes de sécurité (évacuation, premiers secours, utilisation des équipements).
  • C) Fournir un environnement de travail sécurisé :Cela inclut la fourniture d’équipements en bon état et, si nécessaire, d’Équipements de Protection Individuelle (EPI) adaptés.
  • D) Permettre au salarié porté de bénéficier d’un accueil similaire à un salarié interne pour tout ce qui concerne les règles de l’entreprise (horaires d’accès, utilisation des espaces communs, charte informatique, etc.).

4- Obligations de collaboration

L’entreprise cliente doit signaler à la société de portage tout problème  (absentéisme, difficultés relationnelles, modification des objectifs).

5- Obligations en cas de fin de mission

  • A) Respect des conditions de rupture :La fin de mission doit intervenir conformément aux clauses du contrat (terme convenu, préavis, etc.).
  • B) Fournir une attestation de fin de mission :Elle doit remettre au salarié une attestation précisant la durée et la nature de la mission.

En résumé, l’entreprise cliente n’est pas l’employeur, mais elle a une responsabilité importante de donneur d’ordre. Le respect de ces obligations est essentiel pour une collaboration réussie et sécurisée sur le plan juridique

6- En cas de non respect des règles

Le principal risque pour l’entreprise cliente est la requalification du contrat de mission en contrat de travail (généralement en CDI). Les tribunaux recherchent l’existence d’un lien de subordination (pouvoir de direction, de contrôle et de sanction).

Tableau synthèse des obligations en portage salarial

Acteur Rôle Obligations principales
Salarié porté Réalise les missions en autonomie – Prospecter et négocier ses missions
– Respecter les contrats et la déontologie
– Transmettre les éléments de facturation
Société de portage Employeur légal du consultant – Rédiger le contrat de travail
– Gérer la paie et les cotisations sociales
– Souscrire une garantie financière
Entreprise cliente Bénéficiaire de la prestation – Signer un contrat de prestation
– Garantir la sécurité sur le lieu de mission
– Ne pas établir de lien de subordination
Autorités de contrôle Supervision du bon respect des règles – Inspection du travail
– URSSAF
– Application de la convention collective (IDCC 3219)
– Recours possible aux prud’hommes en cas de litige

Pour faire simple, le portage salarial repose sur un équilibre juridique subtil, qui garantit une certaine liberté d’action au consultant tout en assurant la protection liée au statut de salarié. Voilà pourquoi nous recommandons aux futurs portés salariés de prendre le temps de bien comprendre les obligations légales en portage salarial, pour éviter toute mauvaise surprise, et profiter de ce statut aux multiples avantages.